Mario Z / Chili / 1h28
Synopsis
D’environ 1955 à 2009, une maison en province de Santiago servait d’espace de création et, en plus d’accueillir la famille qui y vivait, fonctionnait comme une libre école de danse et de théâtre. Ce film retrace de 1935 à aujourd’hui l’histoire de cette Casa.
Le documentaire le plus perché de notre sélection, le voici… Si c’est bien ce qu’il veut être ?
Points très positifs
« Casa » mélange plusieurs codes. Il y a certes les traditionnelles archives de docu (photos, affiches, extraits de presse) et une narration pour apporter un peu de contexte et d’historique (ici uniquement sous forme de texte à l’écran). Mais le film mettra 20 minutes avant d’arriver aux faits concrets sur la maison et les protagonistes, car d’autres ingrédients sont de la partie : des illustrations (visuelles comme sonores) enregistrées pour l’occasion, des extraits d’œuvres préexistantes (TV et cinéma), des médias, des captures sur smartphone... tout ce qui pourrait concorder. Le thème de la maison est présent via divers clins d’œil : animaux domestiques ou d’intérieur (chiens, tortue, araignée, mouche), quelques plantes, points de vue externes depuis la rue — et parfois mises en abyme (maison dans la maison, note vocale).
La force de Mario Z est de traiter d’un sujet finalement banal avec autant de personnalité. Le montage s’amuse, par exemple avec des effets type Windows Movie Maker qui, alors qu’ils auraient pu paraître kitsch, sont tellement too-much et mélangés à bon escient qu’ils se mettent à fonctionner dans le délire. Le traitement des couleurs ou du noir & blanc accouplé à l’esthétique VHS est un grand plus. L’ambiance bariolée sur cet univers de danse fait un peu penser à « Suspiria », dont le remake est d’ailleurs directement cité. [et ça nous évoque un autre film chilien de notre sélection, catégorie Expérimental, qui par un drôle de hasard adopte aussi le procédé de séquence en vitesse inversée à l’exacte moitié du métrage — cf notre critique sur « Benjamim Zambraia and the Self-Panoptic » de F. Cataldo]
Au fur et à mesure, certaines images qu’on ne comprend pas tout de suite nous surprennent par un ou plusieurs sens a posteriori. On aime aussi l’ironie qui désamorce quelques trucs gratuits : l’humour est présent dans l’intervention de notes à l’écran (« synchro/pas synchro », « Sorry », les « Copyright »…), qui se permettent des messages subliminaux ou conseils, instaurant une connivence avec le spectateur.
Mais le sound-design reste notre atout préféré. Cette expérience s’avèrera très sensorielle sur les sonorités et les bruitages (la séquence des crrraqqquements de porrrttte par exemple), plus une excellente musique (mélange d’acoustique, électronique et programmations, parfois voix) bien mise à l’honneur.
Ce que nous aimons moins
Au milieu de cette profusion de propositions, comme le sens n’est pas toujours évident, certains éléments resteront pour l’esprit des énigmes sans fond. Comme ce pied qui écrase en gros plan quelque chose de peu ragoûtant dans la première partie du film… pour revenir en rappel après le générique de fin… bof.
La structure donne de faux espoirs. Une certaine logique se met en place, mais n’est finalement pas rigoureusement suivie : le plan des chaussons de danse suspendus, à chaque fois plus resserré, semble inaugurer des chapitres temporels ; mais celui qui correspondrait aux années 90 commence par l’année 1989, tandis que la décennie 2000 est la grande absente… Il faut dire que les allers-retours avec des matériaux de 2020/2021 (dont des allusions contemporaines sans doute plus spontanées qu’écrites) sont à double-tranchant.
Dans les défauts mineurs, on pourrait reprocher un ou deux pavés parmi les textes. Et des mouvements de caméra qui saccadent beaucoup (export vidéo calibré par-dessus la jambe ?).
Là où on reste mitigé… !
En définitive, le tout est un peu long pour ce qu’il raconte. Mais l’expérience n’aurait autrement sans doute pas été la même.
C’est surtout les 10 dernières minutes qui clivent. Certains d’entre nous pensent que le long-métrage aurait dû se finir sur la dernière performance du duo musical après l’histoire de la « Casa », ce qui aurait bouclé la boucle (scène miroir à celle d’ouverture). Mais là intervient une nouvelle chronologie, inaugurée sur Mai et se finissant abruptement sur Août (quand on sait que le film s’est créé de mai à juillet 2021, ça fait sens). L’histoire en elle-même est terminée, et cette ultime partie cherche à y inclure la création du film qui la raconte. Epilogue malicieux ayant sa place dans le propos, ou fourre-tout peu utile d’effets et de matière qui restaient sur les bras du réalisateur ? Le public tranchera.
Conclusion
Beaucoup d’expérimentations, voire d’auto-dérision, pour un documentaire atypique, poussiéreux et créatif.
S.I.
« Casa » est en sélection officielle de la première édition du Little Croco Festival, nommé dans la catégorie Documentaire.
Bande-annonce :
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