Dmitri Frolov / Russie / 52 minutes
Synopsis
"L’absurde du tragi-comique, d’après les œuvres de Daniil Kharms (1905-1942). [...] Un monde d’illusions, de pistes et d’associations, qui reflète le flux de conscience du créateur vivant dans une ère de silence."
Déjà sélectionné sur un court-métrage de notre première édition, Dmitri Frolov est de retour et nous livre avec « Clownery » un de nos chouchous de cette Edition 2.
Cet atypique moyen-métrage enchaîne les petites histoires autour d’un personnage récurrent (interprété par Dmitri Shibanov), parfois agrémentées d’interludes plus contemplatives. La poésie de l’ensemble est frappante. Le mélange humour/drame/absurde — voire folie — fonctionne à merveille et permet de ne jamais s’ennuyer, puisque le ton surprend en continu. Par exemple les premières minutes sont superbement farfelues et facétieuses, on pense un peu à Švankmajer (l’animation, les expérimentations de montage, l’ambiance musicale, les personnages loufoques) ; ce qui n’empêchera pas certaines fulgurances tragiques (les amants que l’on emmène) ou de vrais moments de beauté pure (les plans en transparence vagues/silhouettes), sur des musiques toujours parfaitement choisies et un son judicieux.
En termes de jeu, c’est également bluffant de cohérence. À noter que dans ce beau casting s’invite parfois Frolov lui-même, et nous apprécions son honnête implication autant physique qu’émotionnelle. Y’a pas à dire, son sens de la mise en scène éblouit pendant 52 minutes.
Pour l’exécution technique, on n’est pas loin du caviar. Un montage excellent, une photographie habile avec quelques incursions de la couleur bien senties, des cadres toujours intéressants. Pour l’anecdote, nous étions impressionnés que le tournage de ce film ait pu connaître le XXIème siècle (2005)... En réalité ceci est l’année de sa sortie, mais il a été fait en 1989. La reconstitution des années 30 n’en demeure pas moins réussie, crédible et sensorielle. Seule l’avant-dernière partie sort un peu de son intention, injectant de la modernité avec des décors de rues taguées et une houleuse caméra portée.
La structure générale de « Clownery » nous a de prime abord paru piégeuse. À ce titre, la conclusion semble un peu pauvre ou abrupte. Soyons clairs, on comprend que c’est la fin ; l’écho fait au (très bon) début du film fonctionne. Mais difficile de déceler ce qui nous l’amène. Quelques mots de plus, pour mieux contextualiser ou clore la burlesque scène de la bagarre juste avant, auraient peut-être aidé. Aux visionnages suivants, la logique « florilège » dès lors acquise, nous avons été moins circonspects. Cependant beaucoup de liens manqueront au spectateur néophyte de l’auteur de référence.
Conclusion
C’est généreux et fascinant, comme de la littérature Russe. Comment ne pas avoir envie de se plonger dans les textes de Kharms après ça ?
O.N-P.
« Клоунада » est en sélection officielle de la deuxième édition du Little Croco Festival, nommé dans la catégorie Moyen-Métrage.
Bande-annonce :
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