top of page
thelittlecrocofest

INTERVIEW - DAVE LOJEK

Dernière mise à jour : 27 avr.

OCCURRENCES OF QUESTIONABLE SIGNIFICANCE a gagné le prix Meilleur Film Expérimental à la 1ère Edition de notre LCF.

Interview avec le réalisateur Dave Lojek.



Comment en êtes-vous venu à écrire et réaliser ce film ? (au passage, le titre est génial ; était-il là dès le début ?)

En tant que “kinoïte” je participe régulièrement à des ateliers de cinéastes internationaux. Ce sont des KinoKabarets : on monte des équipes avec un postulat simple — faire des films ensemble sans rivalité, temps, préparation, ego ni argent, mais pour la collaboration, la liberté artistique, l’immédiateté, et la disponibilité des équipements, lieux, accessoires, costumes. Plusieurs équipes se forment sur place, se dispersent sur leurs décors, créent avec ardeur sans dormir et célèbrent leur avant-première mondiale 3 jours plus tard dans des cinémas complets. Puis ils recommencent avec d’autres idées et équipes.

Comme expliqué dans le making-of de OCCURRENCES, j’ai écrit quelques idées dans un calepin durant mon trajet en train pour Lublin en 2019. J’avais ingéré trop de films d’animation étudiants expérimentaux déroutants sans signification, mais bien produits, dans d’inatteignables festivals de prestige. Donc j’avais besoin d’évacuer ma frustration en sublimant ces codes sous forme d’une parodie feignant de faire de l’art. Curieusement la banane, accessoire bas de gamme, s’est glissée dans l’idée. Peut-être qu’il y a tous ces fruits et légumes dans mon film parce que je venais de voir GAME CHANGERS et de devenir végétarien.

À l’origine, j’avais prévu 9 scènes. On a dû, faute de temps, abandonner celle flippante dans une cave sombre. Mais mon compositeur Mirko a créé la musique pour cette scène, donc on l’entend dans le générique. Je ne gaspille rien. Le titre de travail était ABSURD BANANAS. Mais j’ai préféré le ton prétentieux du titre actuel, suite au montage. Et bim. (Bien fait pour la sphère du film d’art perché.)


Par coïncidence, il y a maintenant huit scènes, un octogone. Tous les décors commencent par la lettre B en Allemand (Büro, Bibliothek, Bank, Bistro, Bad, Bananengeschäft, Bett, Bühne). 2 Bs dos à dos, ça donne un 8. Tournez-le à 90° et ça fait le symbole de l’infini ∞ biffé. Des niveaux de lecture se révèlent alors.

Le très sympathique festival de films dans cette ville polonaise Lublin a aussi hébergé des KinoKabarets appelés Kino Jady (Kino Eaters) de 2015 à 2019, que j’ai tous faits pour créer et regarder des films. Après s’être nommés “Golden Anteaters Film Festival” plusieurs années, les gérants l’ont rebaptisé “Lublin Film Festival” en 2017. C’est pourquoi il y a leur nouveau logo dans le film. Ça me rappelle de tendres souvenirs et quelques courts-métrages très populaires que j’ai fait à Lublin.


 

Votre équipe : aviez-vous déjà travaillé avec certains d’entre eux ? Et comment avez-vous trouvé les nouvelles recrues ?

En revenant à Lublin, j’ai eu la chance de convaincre Karoline ma directrice de production locale et Marco mon chef-op Italien de tenter cette expérience avec moi. Nous avions auparavant travaillé sur d’autres projets, où on avait créé une bonne ambiance et une communication télépathique. Mes films précédents avaient fait plusieurs douzaines de festivals et gagné beaucoup de prix, ce qui prouvait que je pouvais montrer mes films en salle à l’étranger. Cette influence ne veut pas dire grand-chose pour mes équipes. Ils choisissent des projets sur des coups de tête ou par loyauté, pas pour la popularité ou le réalisateur.

La veille du voyage à Lublin, j’ai documenté un débat à Berlin pour un ami et j’ai eu un super assistant sur cette captation. Dans l’urgence du moment j’ai invité Lukas à me rejoindre en Pologne et il est venu.

Des talents de l’équipe du festival m’ont rejoint également, donc j’ai eu la chance d’avoir un making-of par Olivia, et un acteur pour le personnage du cerf Nestor (Andrzej Mamiński). J’ai passé un appel à casting sur des groupes Facebook de Lublin, et on a trouvé Magda Małek pour le lapin Barbara. Pour la scène où ils se badigeonnent, on a convenu que les personnages pourraient rester en sous-vêtements. Donc la « nudité » de l’art-et-essai à l’Européenne est gentiment simulée mais fausse. Bartłomiej Lis est passé d’assistant de prod à décorateur et au caméo du Serveur-Taon dans la séquence du bistro, qui renifle aussi les chevaux dans la scène finale.

 


Comment ont été conçus les masques et les personnages ?

Les masques ont plusieurs origines. Ceux élaborés (renard, lapin, cerf) viennent de l’Opera House – Spotkania Kultury, où ils avaient été utilisés pour le théâtre pour enfant Hans Christian Anderson. Nous avons eu le contact d’un employé via l’actrice Gabriela, qui avait joué dans mon film PURE SWEETNESS en 2015 (aussi en sélection au Little Croco Festival). Cet homme a retiré ces masques de l’expo ; on les a rendus après le tournage. Barbara me faisait penser au lapin horrifique de DONNIE DARKO.

Le masque du serveur-mouche venait de l’endroit où on travaillait, mais je l’ai perdu après l’avant-première. Quelqu’un l’a emprunté et a oublié de le rendre. Les têtes de cheval en caoutchouc sont aussi apparues d’une manière ou d’une autre. Dans mon scénario, je n’avais prévu que ces chevaux, puisqu’ils sont faciles à trouver. Tous les autres étaient des trouvailles du hasard. Les chevaux font référence au réalisateur autrichien Alexander Peskador (un vrai flambeur) qui portait un masque de cheval lors des présentations de ses films en festoche, comme Carnival of the Waiters.

En caractérisant les personnages, j’ai opté pour du contraste. La bavarde Fiona souffre d’addiction au smartphone à la manière de la jeunesse actuelle, Barbara adore les livres, Nestor marmonne comme un sugar daddy dérangé.

 

 

 

Quand et où a été tourné OCCURRENCES OF QUESTIONABLE SIGNIFICANCE, et sur combien de temps ?

Le film a été fait au KinoKabaret “Lublin Media” (jadis KinoEaters) en novembre et décembre 2019. Je crois que, du pitch à la projo, il y a eu 6 jours. Un vrai luxe. Deux jours de prépa, deux de tournage, deux de montage et mixage. Ma mémoire peut être inexacte, ça commence à dater.

L’atelier était encadré par le Lublin Film Festival et on a eu des chambres d’hôtel gratuites dans le bâtiment. Une fois mes idées résumées sous le titre ABSURD BANANAS aux talents locaux, on m’a suggéré de faire les séquences non en décors réels mais sur scène. Ça m’a déconcerté mais a simplifié grandement la logistique pour la prod.

Nous avons eu la grande chance d’avoir une scène dispo dans le bâtiment (Centrum Kultury w Lublinie, un ancien cloître remodelé en maison de culture moderne à financement européen) pour 2 journées.

Donc j’ai embarqué l’équipe et on a commencé à chercher les masques, accessoires, meubles. J’ai écrit, imprimé et traduit le script. Puis on a filmé et improvisé les installations.

 


Au Little Croco Festival, on est friands d’anecdotes. Quel était la scène la plus difficile ? Ou au contraire y a-t-il eu un moment magique, une séquence ou un plan que tout le monde a adoré tourner ?

On ne le devine peut-être pas mais le banc était très lourd. Plusieurs hommes costauds ont dû le porter depuis le parc devant la maison, le charger sur la scène et enfin le replacer intact. On l’a “emprunté” à la façon typique du micro-cinema et des films guerilla. Pas vu pas pris.

Au centre de la scène on a placé Mascha Kirillova en tant que Fiona la renarde de bureau, qui bizarrement à l’époque s’appelait “Masha Mister Cat”. Elle venait aussi de Berlin mais est née à Moscou. Elle qui fait beaucoup de films expérimentaux de différentes envergures s’endormait entre les scènes, car elle avait attendu son tour toute la nuit sur un autre film. Comme les acteurs étaient tous masqués, ça ne se voyait pas.

Le moment drôle est retranscrit dans le making-of : on a improvisé une baignoire en retournant une table et caché Fiona derrière. Elle utilise de la mousse à raser comme savon pour faire semblant d’être dans l’eau, plus le bruitage que j’ai rajouté. Autre anecdote : on mangeait autant les fruits et légumes des accessoires que de la régie. Ne rien gâcher, si on peut.

Comme presque tout le monde est assis dans la dernière scène, peut-être était-ce fun. Nous étions si fatigués que j’ai oublié quelle scène tout le monde a aimé faire.

 


Parlez-nous de la post-prod !

Comme d’habitude, j’ai demandé au chef-op de tourner dans un format que je peux monter et étalonner sur mon gros Windows avec mon vieux logiciel. Marco a enregistré en Prores sur sa petite Black Magic Toaster. J’ai vite rassemblé les plans. On n’a rien tourné de superflu et souvent en une ou deux prises seulement. Pour le montage je préfère avoir plusieurs angles, donc Marco et Lukas ont éclairé ces axes pour moi avec les lumières dispos du théâtre.

Pendant que je montais, Karolina parcourait ma vaste collection de bruitages avec mes écouteurs et m’a trouvé des sons sympas. En même temps, le compositeur Mirko à Berlin regardait le script et pré-composait ce qu’il jugeait bon. J’ai sans doute ajusté les scènes pour coller à la musique, ce qui peut être mal vu par des cinéastes moins expérimentés. Mirko m’envoyait les morceaux via file transfer.

On a présenté en salle la première version, que j’ai peaufinée à la maison cet hiver-là. Mateusz Powszedniak m’a même simulé une version "animée" qui a pris plusieurs semaines pour imiter le style de A SCANNER DARKLY. Aux yeux des programmateurs de festivals c’est moins convainquant, alors cette version a peu été vue.

J’ai lâché OCCURENCES dans le circuit des festivals en deux versions (live action & pseudo-animation) en 2020 en pleine montée de pandémie qui a forcé tout le monde à mettre des masques et les festivaliers à soit passer en ligne soit différer leurs événements. La poisse !





Où peut-on voir le film ?

OCCURRENCES est dispo à plusieurs endroits: https://vimeo.com/449687644 

 

Sur vous-même : qu’est-ce qui vous a amené à la réalisation ? vos études… ?

Ma bio rapide vous retrace mon évolution artistique, à lire ici: https://apeiron-films.de/SHORT-Biography_DAVE_LOJEK.pdf

 

On sait que vous avez fait beaucoup de films (quelques-uns ont intégré notre Edition 1). Y en-a-t-il un en particulier que vous voulez partager ici ?

À la lecture de vos chroniques et sachant lesquels de mes films vous avez préféré ou écarté, je commence à imaginer vos goûts. Est-ce que vos lecteurs ont les mêmes ?

Mes nouvelles sorties sont encore protégées pour les festivals qui veulent des liens privés.

Comme cette bizarrerie de Lublin a presque rejoint votre programme, je choisis I CAME FROM THE FUTURE :

10 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page