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INTERVIEW - ELAD MUKADES

LET'S TALK a gagné un prix du Meilleur Drame à la 1ère Edition de notre LCF.

Interview avec le réalisateur Elad Mukades.


(credit photo: Alon Porat)


Comment en êtes-vous venu à écrire et réaliser ce film ?

Le scénario de LET’S TALK est né lors d’une conversation personnelle avec un étudiant en yechiva alors qu’on marchait dans la colonie. Soudain on a vu 3 femmes revenant d’un mariage, coincées avec un pneu crevé, et une voiture de 2 hommes s’arrêtant pour les aider. C’était un grand bazar parce que la roue de secours était également perforée, les vis cassées, et je suis parti ce soir-là avec une idée précise : une crevaison est un bon bloqueur dramatique !

De là, pendant presque un an, divers brouillons de scénario débouchant sur une histoire de crevaison se sont enchaînés, jusqu’à ce que je façonne cette trame finale d’une relation houleuse entre deux frères sur arrière-plan religieux et familial, où les deux sont forcés de reconnaître leur douleur mutuelle le soir de Shabbat.

 

Votre équipe : aviez-vous déjà travaillé avec certains d’entre eux ? Comment avez-vous trouvé les nouvelles recrues ?

C’est le premier film pro d’Avner et David en tant qu’acteurs ; je les ai eus par une agence de comédiens nommée ‘Shalash’ – actors for actors, qui sert à promouvoir de nouveaux talents. Personnellement j’aime beaucoup travailler avec des acteurs débutants, car je veux aussi qu’on me donne une chance au départ et ne pas me tourner uniquement vers des gens expérimentés.

Travailler avec eux a été un grand plaisir, et depuis on entretient une grande relation et on a déjà fait plusieurs autres choses ensemble.

Il y a aussi la voix d’une actrice - Yael Cohen, que j’ai connue en tant qu’étudiante qui prenait des cours avec moi au Jewish Film School. Yael joue la mère des deux frères, qui accable le plus vieux avec son secret à elle.

 


Quand et où a été tourné LET’S TALK, et pour combien de temps de tournage ?

On l’a tourné sur deux jours intenses non-consécutifs en juillet 2022.

La plupart du film s’est fait à l’est d’Israel, dans le désert, près de Nabi Musa, sur une route dite 'Nabi Musahwood' vu que de nombreux films en quête de désert et de route en Israel sont tournés là.

Le second lieu était la mer Méditerranée, sur la plage à Ashdod, qui est à 90km…

On a fait une sérieuse prépa pour qu’à la fin, en dépit des retards comme les embouteillages, ou la perte de la clef de voiture du chef-op, qui a fait qu’on a arrêté de filmer pendant deux heures pour le retrouver afin qu’il ne disparaisse pas dans l’obscurité du désert, - pour que malgré tout ça donc, on arrive à tout rentrer dans la boîte en deux jours. Ma crainte tout ce temps était qu’on doive ajouter un autre jour coûteux de tournage.

 

Vos deux acteurs dans le film sont assez impressionnants ; comment avez-vous travaillé avec eux sur le tournage ? (et peut-être avant ?)

D’abord merci. C’est gratifiant et amusant d’avoir ce retour. Avner et David ont à l’évidence apporté avec eux beaucoup de talent, d’amour et d’amitié.

Le travail sur place est à mes yeux la finition. Le principal est d’apprendre à se connaître, créer un contact et faire des répétitions en profondeur avant le tournage.

Il y a eu une audition en vidéo, puis en présentiel, puis des répèts en atelier, plus celles sur le décor, et seulement ensuite les jours de tournage.

Ce grand investissement a produit un fort lien des acteurs aux personnages, aux actions et au texte, et aussi une connexion entre eux-mêmes.

On a dû retourner une scène le deuxième jour car le soleil avait déjà disparu lors du premier – et en salle de montage j’ai vu que les images et le jeu étaient similaires sur les deux jours. C’est fou !

 

Voici les liens de 2 épisodes de making-of que j’ai produits, avec interviews des acteurs au sujet des étapes de préparation (sous-titres anglais inclus)

 

Au Little Croco Festival, on est friands d’anecdotes. Quel était la scène la plus difficile ? Ou au contraire y a-t-il eu un moment magique, une séquence ou un plan que tout le monde a adoré tourner ?

Pour moi, le plus difficile était la scène statique dans la voiture, quand Shalev le soldat (David) découvre que son frère aîné Ori (Avner) ne l’a pas conduit à la maison mais l’a ‘kidnappé’ pour passer du temps à la mer.

Le plan où il se redresse dans la voiture et regarde la mer par la fenêtre était dur pour plusieurs raisons. D’abord il faisait chaud dans la voiture, sans air conditionné à cause du son. Mais surtout au jeu, je regardais le retour vidéo et j’ai balisé : on n’aurait pas dit qu’il était en train de dormir, mais bien pire que ça, je l’ai soudain cru mort et j’ai eu très peur.

Je suis parti du moniteur et ai demandé à Avner de dire les « action » et les « coupez » pour ce cadre.


(Photo de moi lors de ce coup dur, où j’ai laissé Avner faire les annonces quand David feignait de dormir à l’image)


Un moment particulièrement magique pour moi au tournage a été quand mon frère est venu nous visiter et donner un coup de main. Au final, ce film décrit un lien entre frères, ce qui a aussi été inspiré par notre relation dans la vraie vie. En général, c’est drôle quand les différents cercles (amis, famille, travail) se rencontrent – ça coordonne plusieurs parties de notre personnalités, au lieu de montrer différents visages partout.

 


Parlez-nous de la post-prod !

Le montage a été un défi.

Dans la première version du film, le monteur a presque supprimé le personnage du grand frère, et a construit le film sur le soldat qui devient religieux. C’était un moment éprouvant. Je lui faisais confiance les yeux fermés grâce à nos précédentes collaborations, et je suis arrivé seulement quand l'ours était prêt. Alors on a discuté et commencé à plonger dans le cœur de l’histoire entre les frères, et à la fin on a compris que ni sa vision ni la mienne n’était la bonne, mais qu’une troisième, nouvelle, créerait un film complexe, qui commencerait par être dramatiquement concentrée sur le frère soldat, jusqu’à la scène de la plage où le point de vue s’attache à l’aîné Ori (Avner).

 

Où peut-on voir LET’S TALK ? Et s’il n’est pas encore dispo : comment pourrait-il l’être bientôt ?

Les deux projections à venir seront à Tel Aviv (Israel) au Qatsa Festival la nuit du 27 mai 2024, complexe Canada Cinema.

Une autre projo aura lieu à Athènes, au Cinergo International Film Festival en Grèce du 22 au 29 juin.

Evénements et mises à jour à suivre sur la page Facebook du film, ou en me contactant par mail :

 


Sur vous-même : qu’est-ce qui vous a amené à la réalisation ? vos études… ?

Pendant des années j’ai réfléchi aux différents motifs qui m’ont amené à tenir une caméra depuis l’âge de 10 ans pour enregistrer, réaliser et me spécialiser ensuite tout le long du diplôme et des études en master, et à faire des films. Récemment suite à mon parcours spirituel, il m’est apparu clair qu’en plus du plaisir de la création et de l’art de raconter des histoires, j’ai aussi trouvé dans le cinéma une protection contre la réalité, après un traumatisme que j’ai vécu et que j’avais presque effacé de ma mémoire.

L'aptitude à se saisir des souvenirs, choisir comment narrer une histoire, donner une voix au non-dit de par un point de vue à l’image, et peut-être par-dessus tout s’extraire du réel, tout ça recolore mon travail artistique ces derniers temps.

 

Un projet antérieur ou postérieur à celui-là, passé ou futur, que vous voudriez partager ?

Depuis LET’S TALK j’ai surtout fait des documentaires avec le soutien de financements, et un moyen métrage indépendant. Bien que j’aie écrit plusieurs moyens métrages, pour eux je n’ai pas encore reçu de budget de soutien de la part des subventions.

Ces deux derniers mois, presque en même temps j’ai écrit un long-métrage sur la relation entre un père juif américain et ses deux fils, à la lumière de son syndrome post-traumatique de la guerre du Kippour qui resurgit avec force après le massacre du 7 octobre.

 

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